dimanche 19 février 2012

Article 13 / Dumas historien : La route de Varennes (1858)

La route de Varennes, Alexandre Dumas (1858)

Olivier Pascault



Alexandre Dumas est soucieux de vérité historique. Il décide de suivre la route empruntée par Louis XVI et sa famille lors de leur fuite vers Montmédy au mois de juin de 1791. En chemin, il recueille les témoignages de vieillards, corrige les erreurs des historiens moins scrupuleux que lui, observe les lieux et questionne les raisons de l’échec royal.

Louis XVI, Marie-Antoinette, Madame Royale, le Dauphin et Madame Elisabeth fuient Paris pour se rendre à Montmédy puis en Belgique, alors territoire de la Maison d’Autriche. Si le voyage est minutieusement organisé, des erreurs sont commises : la Reine refuse de se séparer du roi et de ses enfants. La famille royale voyage dans une berline tirée par six chevaux, privilège royal indiscret s’il en est. Louis XVI, quant à lui, refuse de passer par Reims lieu de son sacre où il craint d’être reconnu. La berline fait un détour par Sainte-Menehould et Varennes, deux lieux dénués de relais de poste. Ensuite, le départ est retardé d’une journée. Enfin, les régiments de dragons et de hussards, placés sur la route pour escorter le roi, attirent l’attention des paysans, et les obligent à abandonner leur poste. Pour ne rien omette, la berline prend du retard, le roi ne se presse pas et n’a que faire des fondements élémentaires de précaution. A Sainte-Menehould il est reconnu. Jean-Baptiste Drouet, maître de poste, est mandaté par la municipalité pour rejoindre le convoi et empêcher le roi de sortir de son royaume. La famille royale est arrêtée à Varennes dans la nuit du 20 au 21 juin. Dès le lendemain, elle s’en retourne à Paris.

Dumas offre un composé de différents genres littéraires. Tour à tour livre historique soigné et documenté et livre écrit comme un roman ou un récit de voyage, Dumas suit la route emprunté par Louis XVI à soixante-cinq ans de distance et en profite pour confier à ses lecteurs les bonnes adresses qui lui ont été suggérées par Victor Hugo pour une restauration seulement alimentaire. En plein Second Empire, Dumas défend la thèse républicaine dans ce libelle qui réhabilite Drouet et Barnave, et affirme que les royalistes avaient tout intérêt à empêcher la fuite du roi, de peur d’une proclamation prématurée de la République. Lumineux ! En outre, Dumas nous offre un règlement de compte envers les historiens qui accusent les romanciers de ne pas se soucier de vérité historique, en s’appuyant sur les méthodes scientifiques préconisées par Michelet. Ainsi prouve-t-il qu’un romancier peut être plus précis et efficace qu’un historien, car notre auteur se déplace et rencontre des témoins oculaires sans se contenter d’une lecture des seules archives. Certes, Dumas, n’est pas exempt de critiques. Son analyse des personnages est marquée par les schémas habituels : Louis XVI est un roi benêt, ne pensant qu’à manger et dormir ; Marie-Antoinette est une maîtresse femme, colérique et fière de sa position. Manichéenne, l’analyse de Dumas reflète un caractère maladroit du récit, qu’on perçoit dans le canevas de l’ouvrage, mais il est fort utile de se pencher sur un tel éclaircissement d'une période décisive pour la France du nouveau régime. Période de fuite qui justifiera, hélas, un régicide, entre autres griefs, régicide que justifie bellement Saint-Just mais qui absout en vain dans le sang versé inutilement.

OP
février 2012.