vendredi 14 décembre 2012

L'aura du (de la) philosophe, Ludwig Wittgenstein



Ludwig Wittgenstein
Premier cours à Cambridge, janvier 1930 (extrait).



« La philosophie a perdu son aura. A présent, en effet, nous possédons une méthode pour faire de la philosophie, si bien que nous pouvons parler de la compétence des philosophes. Comparez les différences qui existent entre l’alchimie et la chimie. La chimie possède une méthode et nous pouvons parler de la compétence des chimistes. Mais une fois qu’une méthode a été découverte, les possibilités d’expression de la personnalité sont réduites en conséquence. Notre époque a tendance à restreindre de telles possibilités ; c’est une chose qui caractérise les époques de déclin de la culture ou celles qui en sont dépourvues. En de telles périodes, un grand homme n’est pas nécessairement moins grand. Mais la philosophie se réduit désormais à une question de compétence et le philosophe a perdu son aura. Qu’est-ce que la philosophie ? Une recherche sur l’essence du monde ? Nous voulons qu’une ultime réponse nous soit apportée, ou bien quelque description du monde, qu’elle soit ou non vérifiable. Et nous pouvons certainement donner une telle description, en y comprenant les états psychiques, et découvrir les lois qui le gouvernent (…). Ce que nous faisons, en fait, consiste à nettoyer nos notions, à clarifier ce qui peut être dit du monde. Quant à ce qui peut en être dit, nous sommes en pleine confusion, et nous nous efforçons d’y voir clair. La philosophie est cette activité de clarification. Nous poursuivrons donc cet instinct de clarification, et laisserons de côté notre question initiale : qu’est-ce que la philosophie ? ».

[in : George E. Moore, Les cours de Wittgenstein en 1930-1933,
trad. Française de J.-P. Cometti, Philosophica I, Mauvezin, TER, 1997.]





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